Lui, c’est Steven Ramon. Vous l’avez peut-être suivi dans Top chef où il est parvenu à se hisser parmi les 4 premiers. Aujourd’hui, il a ouvert « Le Rouge Barre » dans le Vieux-Lille et flirte avec l’étoile Michelin. Du maquereau à se rouler tout nu dans la neige, des poireaux sous toutes les formes, des produits frais et de saveurs incroyables. C’était au Rouge-Barre. Une cuisine qui colle à la peau de Steven Ramon, Cet esthète des fourneaux nous a offert un long entretien, empli de sincérité et de passion, à son image…
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- Aujourd’ hui, comment définis-tu ta cuisine ?
C’est une cuisine de saison avec un maximum de produits locaux. Les produits, les techniques et les associations de goût sont mes priorités. Je cherche à ce que les clients s’interrogent, à provoquer une réaction. Il y a deux semaines, on faisait un œuf poché avec du fruit de la passion, des côtes de blettes et du lard. Ils ont adoré. J’ai envie de surprendre. Il y a trois semaines, j’avais envie de faire de la tête de veau. Il faut trouver des techniques, des parades pour que les gens aiment. Si tu mets une tête de veau avec la gélatine et la langue dans l’assiette, les nanas ne vont pas forcément apprécier. Du coup, j’ai fait ma tête de veau en brunoise, je l’assaisonne. J’ai fait des carottes très fines à la mandoline, que je roule ensuite pour faire un tube. Je farcis avec ma tête de veau. Je la passe au four et ça passe nikel.
J’aime bien les défis. Par exemple mon père n’aime pas les champignons. Quand il vient ici, il en mange. J’ai travaillé 10 ans à la Laiterie avant d’ouvrir mon resto.
« Je pense qu’on est pas loin de l’étoile Michelin »
- Tu vises l’étoile Michelin aujourd’hui ?
Oui. Ca serait la reconnaissance du travail bien fait pour mon équipe et moi. Cette année, j’ai eu une très bonne critique du célèbre guide. A la fin, il est écrit « irrésistible ». C’est le Michelin qu’il le dit… Je pense qu’on n’est pas loin de l’étoile. Je connais un ancien membre du guide Michelin qui m’a dit que pour les étoiles, normalement, on ne juge que l’assiette. Logiquement, tu pourrais même boire dans un verre en plastique. Mais le lieu reste important en vérité.
« Je fais principalement du poisson. J’ai un poissonnier qui m’envoie un texto tous les jours en m’énumérant la pêche du jour et me la livre le lendemain »
- As-tu des produits que tu préfères travailler ?
Je fais beaucoup de poissons, dans 80% des cas. J’ai un poissonnier qui m’envoie un texto tous les jours en m’énumérant la pêche du jour et me la livre le lendemain. Je pense à ma recette le soir même en fonction du marché des produits. Mes menus restent 3 semaines, un mois à la carte. Il y a de plus en plus de végétariens ou des gens qui ont des allergies. Il y a toujours une alternative pour tous les types de clients. Il y a de plus en plus d’allergies et c’est un casse-tête pour les restaurateurs. J’essaie de ne pas trop dénaturer les produits, ne pas l’agresser et l’embellir le plus possible. Je fais des dessins pour trouver l’inspiration de mes recettes. Il y a autre chose d’important que j’ai puisé dans un 2 étoiles à Bruxelles, c’est le rapport au gaspillage. Il faut que tous les jours, les frigos soient vides à la fin du service.
« A top chef, on n’avait aucun contact avec les chefs du jury »
- Qu’est ce qu’il te reste de l’expérience top chef aujourd’hui ?
Honnêtement, c’était une super expérience. J’ai adoré. Même si c’est de la téloche, tout ce qu’on voit est vraiment vrai. C’était très intense. Il faut faire marcher la tête et les jambes On a passé un mois et demi en vase clos, 24h/24h ensemble. Avec les « top chef » lillois, on fait partie du même collectif « Mange, Lille » donc on se voit assez souvent. J’ai aussi gardé des contacts avec presque tous les participants même si on est dispatché aux quatre coins du monde aujourd’hui. Certains sont à Dubai, à Singapour, en Belgique, au Québec, à Paris, dans le sud… Sans top chef, j’aurais ouvert un resto plus petit avec une trentaine de couverts. Grâce à top chef, j’ai pu ouvrir quelque chose de plus grand.
- Raconte-nous un peu l’envers du décor de l’émission ?
On n’avait aucun contact avec les chefs du jury en revanche, à part le chef Lyniac. Sinon, rien avec les 4 autres chefs. Je me souviens avoir sollicité le chef Piège à propos d’un plat que j’avais fait quelques semaines auparavant. Il m’a répondu qu’il n’avait rien à me dire…
Entre chaque étape, il y a beaucoup d’attentes. Par contre, quand ils te disent que t’as une heure pour faire un plat, c’est une heure et pas 10 sec de plus. Et là t’as envie de t’arracher, de relever le défi. Tu n’as pas envie d’être ridiculisé. C’est une émission de tv et tu peux vite te cramer dans le milieu.
Top chef n’est pas un concours comme les autres. Pour un concours de cuisine classique, tu prépares ton plat à l’avance pour que le jour J, il soit parfait. A Top chef, tu découvres sur le moment ce que tu vas devoir cuisiner. T’apprends deux min avant que tu vas devoir trouver une recette à base de pigeon. Il faut être hyper réactif. C’est impossible de sortir une recette en 2 min alors la plupart des participants ressortent des plats qu’ils ont déjà fait.
Le concours a beaucoup changé aujourd’hui. Les chefs participent, ils défient, ils sont présents. J’aurais adoré qu’ils soient là à mon époque.
Le chef Piège m’a dit « «je suis jaloux de ton plat. J’aurais aimé le créer, j’ai envie de le mettre à ma carte ». Quand t’entends ça, tu peux être éliminé le lendemain.
- Tes meilleurs souvenirs ?
Un de mes meilleurs souvenirs, c’est lorsqu’on est allé deux heures chez le chef Piège, il nous a donné une leçon de cuisine en nous faisant 4-5 recettes. Même si t’as 15 ans de cuisine derrière toi et que tu as un bon niveau, tu ne peux être qu’admiratif. En le voyant, ça parait facile. Une autre fois, j’avais sorti un maquereau, il m’avait dit «je suis jaloux de ton plat. J’aurais aimé le créer, j’ai envie de le mettre à ma carte ». Quand t’entends ça, tu peux être éliminé le lendemain.
- Que penses-tu de Lille ?
Si on m’avait dit que je serai à Lille pour ouvrir mon resto, je n’y aurais pas cru. Je suis de la région. J’ai visité 30 lieux sur Lille et c’était le dernier. J’ai adoré l’endroit et le potentiel. La terrasse, les 110 m2 de cave que je peux exploiter. Le quartier est de plus en plus attractif. On a démarré à 5, aujourd’hui on est 11. On parle beaucoup de nous alors qu’on ne fait aucune communication. J’adore cette ville, elle est hyper dynamique. Elle concentre plein de gens qui viennent de tous horizons. A mon avis, Lille va prendre beaucoup d’ampleur d’ici 4-5 ans, y compris dans le monde de la cuisine. Lille va certainement devenir une place montante de la cuisine, ce qui va aussi développer le tourisme. Il y a de plus en plus de belges, d’anglais, d’hollandais… Il y a des suisses qui sont venus il y a un an et demi pour la finale de la Coupe Davis qui sont revenus récemment pour un congrès dans mon resto. C’est top ! Les parisiens commencent à comprendre qu’il n’y a qu’une heure de train jusqu’à Lille…
“Lille va devenir une place montante de la cuisine”
- Qu’est ce qui t’anime aujourd’hui en cuisine ?
Aujourd’hui, j’ai envie de m’éclater et de progresser… C’est un métier sans fin. Il y aura toujours des nouveaux produits, des nouvelles techniques, des assaisonnements… Il faut avoir une mémoire gustative et sensorielle au-dessus de la moyenne, pour créer des bonnes associations. C’est une partie du secret.
- Quelle a été ta plus grande révélation culinaire ?
Le dernier plat qui m’a marqué c’était à Megève chez Emmanuel Renaud, avec Top chef. C’était exceptionnel. On a eu toute la carte et les 12 desserts en même temps. La simplicité, pas de fioriture et beaucoup de technique. Ce n’est pas très cher, c’est 150 euros le menu seulement dans un 3 étoiles Michelin. Le flocon de sel, tu ne peux pas mieux. La Belgique commence aussi à être très forte en cuisine.
Infos :
Le Rouge Barre – 50 rue de la Halle – Lille
03 20 67 08 84
Budget : $$$$
Suggestion : Parfait pour un tête à tête en amoureux